Goûter-conférenc : L’ésotérisme à Paris, des salons mondains aux cercles d’initiés
De la fin du XVIIIe siècle au cœur du XIXe siècle, Paris devient un véritable laboratoire de l’invisible. On y croise Mesmer, inventeur du magnétisme animal, Allan Kardec, codificateur du spiritisme, Éliphas Lévi, philosophe de la magie moderne, et Papus, médecin occultiste et fondateur d’ordres initiatiques. Dans les salons élégants, les amphithéâtres médicaux et les cercles littéraires, la capitale explore les frontières de la conscience, les forces mystérieuses de la nature et les voix de l’au-delà.
Tout commence avec Franz Anton Mesmer, médecin venu d’Allemagne à la fin du XVIIIe siècle. Place des Victoires, il captive la haute société parisienne par son magnétisme animal, ce fluide invisible censé guérir les corps et apaiser les âmes. Autour de son fameux baquet, se joue une scène à la fois scientifique et théâtrale, où la médecine croise déjà le merveilleux.
Quelques décennies plus tard, l’hypnose reprend le flambeau de ces expériences fluidiques et trouve à la Salpêtrière, avec Charcot, une application médicale et scientifique qui ouvre la voie à la psychologie moderne.
Dans le même temps, Paris s’enthousiasme pour le Spiritisme. Popularisée par Allan Kardec, la doctrine codifie les messages de l’au-delà et propose une véritable philosophie spirituelle fondée sur la réincarnation et le progrès moral. Accessible à tous, pratiqué dans les salons bourgeois comme dans les cercles populaires, il se veut une doctrine démocratique et universelle. La Société Parisienne des Études Spirites voit le jour Passage Sainte-Anne, tandis que la tombe de Kardec au Père-Lachaise devient un haut lieu de pèlerinage.
Mais Paris ne se contente pas du Spiritisme : elle devient aussi capitale de l’Occultisme. Avec Éliphas Lévi, Papus, Stanislas de Guaita et Joséphin Péladan, s’élaborent de nouvelles voies initiatiques où se mêlent kabbale, tarot, hermétisme et symbolisme. Ici, l’accès est plus restreint : sociétés secrètes, ordres fermés, rituels réservés aux initiés. Là où le Spiritisme s’ouvre au peuple, l’Occultisme se revendique ésotérique, destiné à une élite d’initiés en quête de savoir caché.
L’implication culturelle de ces nouveaux mouvements est immense sur l’art et la littérature. Victor Hugo, par ses séances spirites et sa poésie visionnaire, donne une aura littéraire au dialogue avec l’invisible. Huysmans, dans ses romans, témoigne de la fascination fin-de-siècle pour l’occultisme. Éric Satie, proche de la société secrète des Rose-Croix, inscrit la musique dans un horizon mystique et initiatique. Le symbolisme, enfin, dans la peinture comme dans la poésie, puise dans l’univers occulte un langage de signes et de correspondances.
De Mesmer à Kardec, d’Éliphas Lévi aux surréalistes et à leur écriture automatique, cette conférence raconte comment Paris, entre science et croyance, entre spectacle et recherche, a joué un rôle unique dans l’histoire de l’ésotérisme moderne.
